Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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marchés sans aucun intermédiaire. Les sources de cette

rospérité étaient d’abondantes contributions levées dans ee pays qui , depuis plus d’un siècle ; n'avaient pas connu les fléaux de la guerre. Elles s’élevaient ou se modéraient suivant les vues politiques du général. La république nouvelle, qu’on appelait Lombarde , n’en supportait que la plus faible partie ; Bonaparte ne voulait pas avoir l’air de lui vendre les bienfaits de la liberté. Les contributions avaient été demandées plus rigoureusement au pape, au roi de Naples, aux ducs de Parme et de Modène; elles avaient été versées, en grande partie, dans le trésor de la république française. C'était une situation nouvelle que celle d'un général qui accablait de ses libéralités un gouvernement jaloux , ou prêt à le devenir. Par d’autres hommages , il flattait encore plus l'orgueil national. Il avait stipülé, dans toutes les trèves qu'il avait accordées aux différens souverains de l'Italie , que les artistes français vien draient choisir dans les galeries , dans les palais , dans les places publiques, les plus beaux monumens des arts dont ces lieux étaient décorés. Raphaël, Michel-Ange, le Titien, le Dominiquin, par leurs productions immortelles, payèrent la rançon de leur patrie. Plusieurs statues que Rome avait ravies aux Grecs, ou qu’elle avait demandées à leur génie, transportées sur les bords de la Seine, vinrent faire l'ornement d’une ville qui se piquait à-la-fois d’être l’émule de Rome guerrière et de l’ingénieuse Athènes. Ce fut un nouveau prestige ajouté à l'effet ‘des exploits de cette grande Campagne. L’admiration fut telle, qu’elle put enchaîner quelque temps les discordes civiles ; l'étude des partis n’était . plus que de deviner Bonaparte; on épiait son caractère, ses opinions, non-seulement dans ses actes politiques et militaires, mais aussi dans les relations de ses batailles, dans ses discours aux souverains qu’il abaïissait ou auxquels il pardonnait ; et sur-tout dans ses proclamations à son armée ; tout y étincelait de gloire.

Jai à peine décrit la moitié de cette première campagne, je suis arrivé au siége de Mantoue.

Quelle entreprise pour une armée peu nombreuse que la conquête de ce boulevard de l'Htalie ! Ce n’était point seulement une vaste enceinte de murailles et d’excellentes fortifications qu’il fallait investir , C'était un lac, des marais dangereux, une rivière rapide qu’il fallait occuper. Les conquêtes de Bonaparte, toutes vastes qu’elles étaient, n’aVaient pas mis en son pouvoir l'artillerie nécessaire pour un tel siége. Il avait à craindre de fatiguer son armée par des travaux lents et infructueux ; €tsur-tout de l’exposer à