Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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était plus qu’à huit lieues. Bonaparte l'attaque, le culbute, le poursuit jusqu'aux montages du Tyrol. Cinq mille prisonniers, dix-huit pièces de canon furent le prix de cette bataille. Aucune des victoires de Bonaparte ne fut aussi chèrement achetée; on comptait presque autant d’ofliciers que de soldats tués ou blessés. Le général Lasnes , qui était malade d’une blessure avant le combat d’Arcole, voulut s’y trouver et y reçut à côté de son général une blessure nouvelle. Voici un trait bien propre à adoucir les tristes images qu'offre une aussi terrible victoire. Après la conquête d’Arcole , l’infatigable Bonaparte parcourait le camp dans la nuit: il aperçoit une sentinelle endormie; il lui enlève doucement, et sans l’éveiller, son fusil, fait la faction à sa place, attend qu’on vienne legrelever. Le soldat s’éveille enfin : quel est son trouble quand il apercoit son général dans cette attitude ! Il fait un cri : Bonaparte ! je suis perdu. — Rassure-toi, mon ami, lui répond le général , après tant de fatigues, il est bien permis à un brave comme toi de s'endormir, mais une autre fois choisis mieux ton temps.

Bonaparte écrivit en ces termes au général Clark, pour lui annoncer la mort du jeune Elliot : « Votre neveu Elliot » a été tué sur le champ de bataille d’Arcole : ce jeune » homme s'était familiarisé avec les armes; il a plusieurs » fois marché à la tête des colonnes : il aurait été un jour » un officier distingué. Il est mort avec gloire et en face » de l’ennemi, sans avoir souffert un instant. Quel est » l’homme raisonnable qui n’envierait pas une telle mort ? » Quel est celui d’entre nous qui n’a pas regretté cent fois » de ne pas être ainsi soustrait aux effets de la calomnie, » de l'envie et de toutes les passions haineuses qui semblent » presque exclusivement diriger la conduite des hommes ? n

Mantoue n'est point encore le gage de l’importante victoire d'Arcole. Wurmser n’ignore pas qu'une quatrième armée autrichienne va venir recueillir les débris de la troisième. Il cherche à dissimuler au vainqueur les souffrances de sa garnison ; quelquefois des émissaires des états du pape et de Venise parviennent jusqu’à lui. Il sait qu’une haîne im placable ne cesse d’exciter des soulèvemens, des prises d’armes dans la Romagne. Il croit que Bonaparte, qui a déjà pardonné deux fois, se laissera enfin entraîner à la vengeance , que l’inutile conquête de Rome lui fera perdre de vue Mantoue. Mais Bonaparte est obstiné à la clémence envers le chef de l’église. Ce blocus, ces diversions , l’empêchent seulement de venir fondre sur Alvinzi qui reforme son armée. Tous les bataillons de Vienne sont arrivés. Des