Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

20 INTRODUCTION.

Mais le roi de Prusse recevait ailleurs un dédommagement que la république francaise sanctionnait par son silence. Un irône venait de s’écrouler, et c’étaient des rois ligués pour venger les droits des souverains qui venaient de labattre. La Pologne venait d’expier, par la perte de son indépendance, un effort magnanime qu’elle avait tenté pour se soustraire à sa vieille anarchie.

Stanislas-Auguste, élevé au trône de Pologne par la protection de l’impératrice de Russie, s’était aperçu, dès les premiers momens et pendant les longs orages de son règne, que c'était aux dépens de toute gloire véritable, de toute puissance réelle, que Catherine II lui avait vendu un titre inespéré. Toujours réduit à la craindre et à l’implorer, il avait été traité par elle avec un entier oubli des sentimens qu’on prétend qu'il inspira à cette souveraine fière et voluptueuse. Vassal soumis, il n’en fut pas moins un vassal dépouillé. Quand limpératrice de Russie voulut opérer un premier démembrement de plusienrs provinces de Pologne, elle s’occupa moins de chercher des prétextes pour couvrir son iniquité que de se donner des complices qui en partageraient les fruits et le reproche. Ces complices furent Fréderic IT et la cour de Vienne.

Stanislas-Auguste était un prince éclairé, affable, éloquent, doué des qualités les plus séduisantes, La nation polonaise lui avait pardonné ses malheurs, mais sans en perdre la mémoire. La plupart des grands s'étaient convaincus que les prérogatives de leur aristocratie étaient la source des fléaux multipliés qui les accablaient au-dedans et au dehors.

Quand la révolution française éclata, l'aristocratie s’inquiéta dans tous les lieux où elle était le plus sagement ordonnée. En Pologne, elle médita sa propre réforme. Stanislas-Auguste vit naître avec joie ce mouvement. Il le seconda; il se crut assez fort pour le diriger; il espéra pouvoir faire bénir à la nation polonaise son règne, jusque-là malheureux. Il avait recherché l’amitié du roi de Prusse pour balancer l’ascendant del’impératrice deRussie. D'ailleurs les deux cours de Pétersbourg et de Vienne étaient engagées dans une guerre avec la Porte, et leurs succès récens avaient inquiété la Prusse. Tout donnaït espoir que l’impératrice, occupée de soins pressans et multipliés, n’apporterait point d’obstacles à une entreprise qui n’offrirait d’ailleurs aucun prétexte à ses ressentimens.

Le plus beau jour parut luire sur la Pologne. Au désordre, aux sanglantes provocations , aux inflexibles préjugés de la diète de Grodno, avait succédé un esprit de concorde et de lumières, Une constitution nouvelle avait été préparée