Rapport sur les Dommages de Guerre causés à la Serbie et au Monténégro présenté à la Commission des Réparations des Dommages
IV. L'état des voies de communication.
La situation géographique de la Serbie, ainsi que le manque de capital mobilier, ont été un grand obstacle au développement des voies de communication dans un sens moderne. Son réseau de chemins de fer est le moins développé de tous les pays de l’Europe. À l’intérieur il n'y a pas un fleuve navigable. |
La Serbie ne pouvait communiquer avec l’Europe occidentale que par deux lignes de chemins de fer; l’une traverse le territoire ennemi et, par conséquent, est devenue inutilisable dès le premier jour de la guerre; l’autre la relie à Salonique d’où il faut emprunter la voie de mer pour arriver jusqu'aux pays alliés. C’est cette seule ligne, à voie unique, qui durant toute la guerre a dû servir au ravitaillement de la Serbie, ainsi que, en grande partie, de la Roumanie, de la Russie et de la partie grecque de la Macédoine. Cette ligne n'était sur un point qu'à 8 kilomètres de la frontière bulgare et c’est à l'endroit même où se trouve le grand pont sur le Vardar. À cinq reprises différentes l'ennemi a essayé de le faire détruire par des bandes de comitadjis bulgares et turcs, bien avant l'entrée en guerre de la Bulgarie. Les Américains et les Européens qui ont eu l’occasion de traverser ce pont à ce moment étaient étonnés du courage du personnel des chemins de fer qui, sans s'inquiéter du danger, transportait journellement des centaines de tonnes de matériel sur un pont cent fois atteint et cent fois réparé.
La Serbie est un pays éminemment agricole et toute son industrie en porte l'empreinte. N'ayant pas une seule fabrique de matériel de guerre, elle a dû en faire venir de l'étranger. Ayant épuisé ce matériel dans les deux guerres précédentes, elle s’en est trouvée très dépourvue dès le commencement de la dernière guerre. L'importation de ce matériel étant fort réduite par suite de la capacité limitée de la ligne, le soldat serbe devait se battre sans armes modernes. On.ne peut penser sans émotion à certains moments de cette lutte inégale. Il y avait des jours où l'artillerie serbe restait silencieuse pendant que l'ennemi l’arrosait de ses projectiles. Bien des positions conquises par l'infanterie serbe au prix de grands sacrifices durent être abandonnées faute de l’appui nécessaire de la part de son artillerie. Longtemps la flotte aérienne ennemie pouvait se promener en toute tranquillité au-dessus des lignes serbes, et les bombarder à son aise, sans qu il fût possible de l’en empêcher, la Serbie ne possédant alors ni aéroplanes, ni canons anti-aériens.