Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

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avaient une grande influence dans les clubs les plus exaltés, la Grille, les Marseillais, les Joyeux, etc. , et cette accusation aurait bien pu amener une émeute. Cornuaud entrevit le danger et publia deux brochures pour détourner de l’idée d'établir un tribunal exceptionnel. Il fut compris, et les clubs jugèrent eux-mêmes leurs membres inculpés ; quand ils étaient convaincus, on les expulsait honteusement. Le juge de paix Bonnet, Michel, Desoche, etc., éprouvèrent cet humiliant traitement au cercle de la Grille, que Cornuaud présidait pendant cette séance. Cette modération évita une insurrection sanglante, car les deux compagnies de canonniers de la garnison s'étant révoltées parce qu'on ne voulait pas leur laisser changer le cordon blanc de leur chapeau en un noir, et ayant réussi à insurger avec elles le club des Marseillais, le club de la Grille et des Joyeux qui les repoussèrent dans l'intérêt de l’ordre, se seraient certainement joints à eux si la tête de leurs principaux membres eût été menacée par un tribunal révolutionnaire. Clerc, Coquet, Audra,ete., prêts à subir le sort de Vitel et consorts, eussent certainement vendu cher leur vie; Clerc parce qu'il avait la conscience de n'avoir pas volé, et les autres parce qu’ils étaient au-dessous du remords!.

Si l’on avait été généralement surpris de voir le club de la Grille donner le premier l'exemple de la sévérité contre les dilapidateurs, combien ne dut-on pas l'être d'apprendre, que par une résolution prise à l’unanimité et publiée le 30 Octobre, ce club, d’où était parti le signal de l'insurrection du 18 Juillet, renonçait à toutes

2 Voir la Note Là la fin du volume.