Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

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et humiliations possibles, après avoir essuyé pendant plusieurs mois tous les chagrins qu’un citoyen honnête peut ressentir lorsqu'il se voit honoré d'une des premières places de l'Etat, sans qu'il soit en son pouvoir de faire le bien que ses concitoyens ont droit d'attendre de son administration ; qu’il se voit le complice apparent du mal qui arrive, et qu'il lui est impossible d'empêcher, et cela parce que le Gouvernement, courbé sous le joug d’une faction, est entièrement privé des moyens de contenir les malveillants ; après avoir réfléchi sérieusement sur toutes ces conséquences, je pris le parti de profiter du bénéfice de la loi. en donnant, entre les mains du Conseil, la démission de ma place de syndic.

La veille des jugements, j'en parlai encore au citoyen Mouchon, secrétaire du Conseil, à qui je donnai quelques détails. Enfin le jeudi, après la scène qui s'était passée dans la cour de la Maison-de-Ville, je donnai au Conseil assemblé ma démission, qu'il refusa d’accepter. Ce refus, qui était motivé sur des raisons qui me paraissaient très-fortes; qui, d’un autre côté, faisait renaître dans mon cœur l'espoir de voir enfin la justice triompher et le crime confondu, m'avait fait prendre la résolution de ne pas persister dans ma demande en démission. Mais au moment où ce crime, sans exemple dans les annales des forfaits, fut commis, où j'appris que les malheureux qui venaient d’être assassinés, l'avaient été par une garde qui est réputée par la loi être à la disposition du Gouvernement pour veiller à la sûreté et à la tranquillité des citoyens, et assurer l'exécution de cette même loi, ayant d’ailleurs la certitude morale, comme je l'ai encore aujourd’hui, que sile Conseil eùt voulu prendre