Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

Ai —

prises; mais toujours une estime profonde, méritée et mutuelle, restait en dépôt dans le fond de leurs cœurs. Dès qu'ils se rapprochaient, ils pouvaient se tendre des mains fraternelles et pures ; bientôt ils ne rivalisaient plus qu’en patriotisme ; et Genève , au milieu de ses dissensions, n'avait présenté qu’un miracle continuel de prospérité. C’est que ces dissensions s'étaient bornées à de violents débats sur l'interprétation des lois qui y avaient fondé l’ordre politique et social ; c’est que jamais, jusqu’à ce jour , cet ordre social n’avait été ni renversé, ni interverti; c’est que les réconciliations étaient d'autant plus sûres , et d'autant plus faciles, que nous n'avions presque jamais d’autres blessures à guérir, ou à pardonner, que des blessures d’amour-propre, ni d’autres armes à déposer que des défiances souvent injustes et toujours exagérées : c’est qu'enfin, si dans nos chocs populaires, quelques citoyens avaient péri les armes à la main, il n'y avait eu du moins ni lâchetés, ni cruautés qui déshonorassent la victoire , et que les personnes et les propriétés des vaincus avaient toujours été religieusement respectées. Que les temps sont changés ! Que d’attentais, que de crimes à placer à côté de l’histoire de vos ancêtres! Quelles mœurs, quelles lois ont succédé à celles qu'ils vous avaient transmises |... Vous avez sacrifié à une influence étrangère votre démocratie tempérée ; vous lui avez substitué la plus hideuse anarchie ; vous avez livré la justice , vos tribunaux, et l'élite de vos concitoyens à une poignée de brigands: vous leur avez permis de se baigner dans le sang; semblables à ces bêtes féroces qui commencent par tuer, et qui se nourrissent ensuite à