Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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cher, que si j'avais tué père et mère, ce que je n’ai pas fait, du moins que je sache.

« Dans mon effroyable situation, mon cher ami, puisqu'il n’est plus aucun moyen honorable de la changer, de la modifier, ou que, s’il en existe quelqu'un, füt-il à ma connaissance, le tempset toutes choses me manquent pour attendre qu'il se réalise, quel parti me reste-t-il à prendre ? Un coup de pistolet, je n'ai pas de quoi en faire les frais. La rivière, c’est ignoble, ou, pour parler sérieusement, l’un et l’autre et tout ce qui y ressemble, répugnent à des principes qui m'ont constamment soutenu contre les tentations multipliées d’y avoir recours, et qui, si je le puis, me soutiendront jusqu’au bout.

« Je ne vois qu’un moyen de les concilier avec les circonstances extrèmes qui m'affligent, etauxquelles je n’ai plus à opposer qu’un dernier acte de courage : celui d’en revenir à mon ancien projet de m'en aller à travers champs, tout droit devant moi, jusqu'àce que mort s’ensuive. La fatigue, la faim, le désespoir peuvent aussi devenir des ressources. Je crois fermement qu'un véritable homme de cœur ne doit pas se tuer, mais il lui est permis de se laisser mourir quand il ne peut plus vivre.

« Ainsi donc, cher Béranger, ma résolution est décidément prise et s’exécutera un peu plus tôt, un peu plus tard, mais sous peu de jours. J’ai dû vous eu prévenir, soit pour couper court aux démarches que vous avezcommencées en ma faveur, ce qui, désormais, serait sans objet, soit pour ne pas vous laisser sur mon compte dans une incertitude que l'intérêt dont vous m'avez donné tant de preuves rendrait pénible et désagréable, soit enfin pour vous prier de rendre témoignage, en temps et lieu, de la constance avec laquelle j'ai supporté jusqu’au bout les tribulations les plus cruelles, les plus antipathiques avec l’âme que le ciel m’a donnée.