Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LA GUZLA DE MÉRIMÉE

Un littérateur croate, M. Tomo Matié, a publié dernièrement dans une revue technique l’Archie für Slavische Philologie deux articles sous ce titre difficile à traduire en français : Prosper Mériméés Mystifikation Kroatischen Volkslieder, une mystification de Mérimée à propos de chants populaires croates. On devine à première vue qu’il s’agit du volume intitulé La Guzla ou choix de poésies tllyriques recueillies dans la Dalmatie, la Bosnie, la Croatie et l’Herzégovine, qui parut à Paris en 1827. M. Matié, qui vit tour à tour à Vienne ou à Agram, au milieu de tous les documents concernant les Slaves méridionaux, est plus qualifié que nous ne le sommes à Paris pour rechercher les origines de cette mystification depuis longtemps démasquée par l’auteur lui-même et pour relever ce qu'il peut y avoir d’exact ou de faux dans les textes inventés par Mérimée. En signalant ce que M. Matié apporte de nouveau à l’étude d’un problème qui a déjà préoccupé les historiens de Mérimée, je voudrais ajouter à ses recherches quelques faits qui lui ont échappé et présenter quelques observations nouvelles au sujet de ce célèbre recueil.

L'ouvrage qui appela pour la première fois l'attention du public français sur les Slaves méridionaux parait avoir été celui de l’abbé Fortis', Viaggio in Dalmazia publié à

1. Giovana Battista Fortis (1741-1801) entra dans l’ordre des Augustins et s’occupa surtout d’histoire naturelle. Il avait appris le serbo-croate pour voyager en Dalmatie. Son voyage eut un grand succès. Il fut traduit en allemand, en français et en anglais, Fortis fut bibliothécaire à Bologne et secrétaire de l'Istituto nazionale italiano à Milan.