Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LA GUZLA DE MÉRIMÉE 145

d’un philologue amateur. Il eut l’idée d’étudier, évidemment avec l’aide de quelques indigènes, la littérature du peuple au milieu duquel il était appelé à vivre, et il publia dans le Télégraphe, à dater du 11 avril au 20 juin 1813, quatre articles sous ce titre Poésies illrriennes.

J’ai eu autrefois le Télégraphe sous les yeux à Laybach, Jy ai vu les articles de Nodier, mais nous n’en avons, que je sache, aucun exemplaire à Paris et je ne puis citer ici que les extraits que donne M. Matié.

Nodier, dans le premier de ses articles, se plaint que l'étude de la poésie illyrienne soit trop négligée : « Pourquoi, dit-il, un homme instruit, spirituel et sensible ne s’occupérait-il pas de recueillir ces vieux monuments de la poésie illyrique et de Les faire imprimer en corps ? Ce serait peut-être le moyen de faire renaître l'amour de cette belle langue nationale, qui a aussi ses classiques et ses chefsd'œuvre. »

Nodier songe peut-être aux vieux monuments de la littérature ragusaine dont il a entendu parler ; il songe aussi aux poèmes populaires, dont il a pu lire un spécimen dans

!, Au moment même où il émettait

le Voyage en Dalmatie ce vœu, le serbe Vouk Karadjitch préparait son recueil de Chants populaires serbes qui parut à Vienne pour la première fois en 1814 et qui, considérablement augmenté dans les éditiens ultérieures, constitue encore aujourd’hui le plus beau monument de la poésie populaire dans les pays slaves. Dans le deuxième et le troisième article, Nodier s'occupe de la Chanson de la noble femme d’Asan-Aga qu’il connaissait d’après le texte de Fortis.

Enfin, dans le quatrième et dernier article, il traduit un petit poème du poète ragusain Ignace Giorgic (1675-1737); la traduction, bien entendu, n’est pas faite d’après l’original. Il s'inspire d’une traduction ou plutôt d’une paraphrase

1. Nodier ne se doute pas que la langue des Slaves au milieu desquels il vit est fort différente de la langue serbo-croate, qui est à proprement parler Pidiome illyrien.

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