Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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prince Georges Lubomirski annonce à Ga] qu'il voudrait fonder en Galicie une institution analogue à la Matiça illyrienne pour la publication de livres populaires et lui demande des renseignements d'ordre technique. Maciejowski, l'historien des législations slaves, prie le publiciste croate de vouloir bien l’aider à la vente de ses livres chez les Slaves de Hongrie.

Ces petits détails nous indiquent quelle situation considérable Louis Gaj avait prise dans le monde slave, où il jouait tour à tour le rôle d'agent politique et de consul commercial. Nous serions encore mieux éclairés sur ce rôle si nous avions la correspondance que Gaj entretint avec la Russie. J'ai dit plus haut dans quelles circonstances elle avait été anéantie. ll ne nous en est resté qu’une seule lettre ; elle est due à l'historien publiciste Nicolas Ivanovitch Pavlistchev, beau-frère de Pouchkine, qui mourut en 1879. Elle n’est point datée, mais elle se rattache évidemment à la première période de l’Illyrisme. Elle respire un chaleureux enthousiasme : « Vos efforts pour restaurer et transformer votre langue vont de pair avec ceux de Schaffarik, de Palacky, de Hanka ; il y a toutefois cette différence à votre avantage, c’est que dans les pays tchèques le germe avait été déjà déposé par d’autres, tandis que dans votre pays vous aviez dû d’abord défricher la terre à la sueur de votre front. Votre Danica (L'Aube) atteste l’éternelle, l’indissoluble unité des Slaves de l’Ilmen et du Danube. »

C’est évidemment un langage analogue que devaient tenir les autres correspondants russes de Gaj. La perte de leurs lettres est à coup sûr regrettable. Mais au fond nous pouvons très bien les reconstituer par la pensée. Les documents que nous avons rapidement étudiés suflisent largement à nous faire comprendre quel rôle considérable le mouvement illyrien, dirigé par Gaj, a joué dans la renaissance slave durant la première moitié du xn° siècle.