Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France
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j'avais près de moi un brave artilleur, qui, à chaque instant, voulait me prouver son talent de pointeur. J’avais beau chercher à le calmer, je n’en venais pas à bout. Il s’escrimait à me prouver qu’il fallait faire parler la poudre. Il se trouvait dans des dispositions tellement belliqueuses, qu’il regardait sans cesse à travers la meurtrière occupée par notre pièce de quatre, lorsqu'un boulet vint lui emporter la tête. J’éprouvai dans ce moment une impression douloureuse, comme j'en ai rarement ressenti dans ma vie. Couvert du sang de ce malheureux, je voyais son corps mutilé à mes pieds, et, dans cet étroit espace, ce spectacle était doublement hideux. Ses camarades restèrent un moment comme anéantis. C’étaient de jeunes recrues, qui n’avaient pas encore vu le feu. Les assiégeants pointaient bien; du reste, depuis la mésaventure de la meurtrière, nous étions devenus plus circonspects. Quarante-cinq ans après cet événement, j’eus l’occasion de parler avec un officier, M. de X..., qui se trouvait dans les troupes bernoises. Il était justement de service près de la pièce qui tirait conire la tour où je me trouvais, et qui sait si ce n’est pas à lui que mon pauvre artilleur a dû sa