Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
1815 — LES CENT JOURS. WATERLOO 987
toutes contre lui : des armées formidables allaient fondre sur la France, qui n’avait plus de troupes, les vieilles phalanges ayant été licenciées; l’esprit de régiment était détruit Il fallait recommencer les guerres de la Révolution; mais avec quelles ressources? La liberté, qui avait enfanté des merveilles, Bonaparte l'avait étouffée. Comment donc faire marcher la nation sans liberté, sans gloire, sans esprit religieux, les trois puissants mobiles qui électrisent les âmes? Il y avait encore le ressort indestructible de l’amour de la patrie; mais comment Napoléon, qui avait tout rapporté à lui et à sa gloire, qui voulait être lui-même la patrie, pouvait-il faire valoir ce sentiment?
Enfin, l'Empereur rappela à la hâte tous ses vieux soldats et, en peu de temps, il présenta sur les bords du Rhin une armée de 100 000 hommes; mais on remarqua que presque tous les maréchaux n'étaient pas employés dans ce moment décisif, et que le commandement était donné à de simples généraux, qui pouvaient encore ambitionner des faveurs. Ney resta dans la retraite, où la froideur de l'Empereur le retenait. Je reçus, dans la mienne en Picardie, une lettre du maréchal qui m'invitait à me rendre près de lui, aux Coudreaux.
Je dois ici mentionner un fait : nos troupes, revenant d'Espagne, passèrent sur la route, près du château du maréchal. Elles connaissaient sa présence en ce lieu et poussaient des cris de « Vive l'Empereur! » Était-ce pour punir Ney d’avoir fait