Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
288 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR
abdiquer Napoléon? Était-ce pour le féliciter d'avoir fait, sa dernière proclamation? Je ne sais : tout ce que je puis dire, c’est que Ney gardait le silence et que ces cris me laissaient une impression douloureuse.
Le mois de juin arriva : les Alliés s’approchaient des frontières, et notre armée était déjà en mouvement, sans que le maréchal eût reçu des ordres. Cependant, l'Empereur, avant de quitter les Tuileries, lui adressa une petite lettre ainsi conçue : « Si Ney veut être présent à la première bataille, il peut se rendre à Avesnes où il me trouvera. Signé : Napoléon. »
Le maréchal Ney n'hésite pas un seul moment; il donne l’ordre qu’on prépare ses équipages et me permet de passer à Breteuil pour y prendre les miens; quatre jours après, j'entrai dans Avesnes où je fus obligé de rester une journée; mes chevaux avaient fait 61 lieues en quatre jours. Le maréchal, après avoir pris les ordres de l'Empereur, s'était porté en avant. Je rencontrai à Avesnes le maréchal duc de Trévise, qui avait reçu une invitation semblable à celle de Ney, mais qui venait d’être de nouveau disgracié (1).
(4) On a vu que dans les précédentes campagnes, lorsque les armées françaises étaient disséminées depuis l'Italie et l'Espagne jusqu'au Danemark, l'Empereur, du fond de son cabinet, indiquait en quelque sorte le jour et le point où la rencontre aurait lieu. Obéissant à sa stratégie puissante, les troupes marchaient dans des directions diverses, mais toujours pour
arriver au rendez-vous qu'il s'était donné. L'époque et le lieu étaient réglés sur les journées de marche des troupes les plus