Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
54 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR
général écrivit sur son agenda ces mots : « Il est ordonné au général Sébastiani de céder au commandant d'artillerie Levavasseur la moitié du village où il est cantonné. » Puis le général Walther déchira la feuille et me la donna. Je retournai et trouvai dans mon logement le général Sébastiani dînant avec La Tour-Maubourg etles autres officiers supérieurs de sa brigade. Je lui présentai le billet du général Walther; il le lut, le fit voir aux divers colonels avec lesquels il diînait, et, levant la tête : « Il vous sied fort bien, monsieur le lieutenant, de lutter avec moi; vous vous en souviendrez! » Les colonels firent monter à cheval; on me céda la moitié du village et je me réinstallai (1).
Le surlendemain, nous étions en présence de la cavalerie ennemie, qui n’était séparée de nous que par un petit vallon dans le fond duquel se trouvait un petit pont. Je mis en batterie sur le revers de vallon et je vis le général Sébastiani, avec sa témérité habituelle, me dépasser avec sa brigade, passer le pont et se mettre en bataille dans le fond du vallon. Voyant le peu de service que je pouvais
(4) On connaît la bravoure, limpétuosité du général Sébas-
tiani. On sait combien sa parole était fière et comment il écoutait les observations.
Pendant nos marches, un jeune Allemand, fort bien mis et ayant toutes les apparences d’une belle éducation, lui avait été amené de dix lieues de loin pour servir de guide. Ce jeune homme, ne connaissant pas les localités, fit observer à Sébastiani qu'il ne pourrait indiquer aucune direction à la troupe. Mais le général s'adressant aux soldats : « Faïtes marcher cet homme, leur dit-il, et s’il se trompe, qu’il soit fusillé ». (Note d’'O. Levavasseur.)