Sur un portrait inédit de Naundorff : (1832)

8 SUR UN PORTRAIT INÉDIT DE NAUNDORFF

Cette lettre porte la date du 4 février 1833. Deux jours après sa réception, arrivait de Berne à Albouys « un portrait magnifique qu’il supposa être celui de son client », et qui l'était en effet. Peut-on, dès lors, penser que l’obscur ex-magistrat de Cahors ait été servi avant le roi de France? Le portrait que contient, aujourd’hui encore, la lettre chiffonnée de Me Naundorff est donc manifestement contemporain de cette lettre (fin de 1832) ou l'a suivie de fort peu. Quelques mois plus tard, dès l’époque de son arrivée à Paris (mai 1833), Naundorff n’aurait plus eu la candeur de se laisser donner cette tête-là. Nous le verrons bien.

L’auithenticité du portrait n’est, d’ailleurs, pas plus douteuse que sa date. M. le duc de Blacas, qui le possède, le tient de son grand-père à qui, sans doute, Charles X, peu collectionneur de,ces riens, l'avait, sur l'heure, abandonné, avec la lettre mendiante de Jeanne Naundorf !.

C'est une jolie peinture sur peau de cygne, doublée de carton. Facture allemande ou suisse, mais grande finesse de touche. Les couleurs sont plutôt juxtaposées que fondues : le bas du visage, en particulier, se compose de petits points ou petits traits accolés et dont les teintes sont nettement différentes (procédé bien connu des peintres modernes). Le fond est verdâtre. Le visage ressort admirablement. On se demande quel banquier aida Naundorff, alors pauvre comme Job, à indemniser l’auteur de ce morceau vraiment remarquable. Mais il trouva en Suisse (à Berne), des hôtes relativement généreux. Peut-être aussi Tort de la Sonde, — ou quelque autre lanceur de l'affaire, — avait-1l, dès 1832, signalé à un courtier marron la qualité de l'opération, ou, tout uniment, taxé une douairière 2.

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Bref, cette miniature est, pour l’histoire de Naundorft et pour l'histoire en général, du plus haut intérêt.

D'abord, on n’en connaît pas de plus ancienne. C’est donc là que nous devons retrouver les traits de notre héros le moins allérés par l’âge. C’est là aussi que, de toute évidence, la sincérité est le moins contestable. Faite hors de France, les souvenirs nationaux ont dû impressionner beaucoup moins fortement son auteur.

Mais elle n’est pas, pourtant, elle ne peut pas être d’une sincé-

1 J’exprime ici toute ma gratitude à M. le duc de Blacas qui a bien voulu m'autoriser à reproduire ce précieux document. Il en sera fait prochainement un tirage à petit nombre en photogravure de couleurs.

2 La miniature, de forme ovale, mesure 107 millimètres de hauteur et 83 de largeur, soit 4 pouces et 3 pouces 3 lignes du « pied du Rhin ».