Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE PEINTRE DE MŒURS. 105

acheté Mir Aïssé à un marchand d’esclaves. Bouret s'était poussé fort avant dans les bonnes grâces de Louis XV, etil faisait sa cour au roi d'une manière assez nouvelle. Ayant appris qu’un certain coin de la forêt de Sénart plaisait au monarque, il l'acheta et y fit bâtir par l'architecte Le Carpentier un pavillon magnifique, pour avoir Phonneur de recevoir son maître et de lui offrir une pêche, pendant que des créanciers impitoyables saïisissaient à Paris les meubles du parvenu. Morande passe en revue les receveurs-généraux, les payeurs de rentes, qui étaient « au nombre de 64 pour payer environ 64 millions », et qui avaient chacun trente ou quarante mille lives de revenu. L'abus était si manifeste que l'abbé Terray s'en offusqua et supprima la moitié des bénéfices de ces officiers. Mais le type de financier le plus piquant que nous offre le pinceau du pamphlétaire, c'est Beaujon, le banquier de la cour. « Le sieur Beaujon se couche ordinairement sur les neuf heures: alors il admet ce qu'il appelle ses berceuses. Ce sont de jeunes et jolies femmes qui viennent le caresser, lui faire des contes et l'endormir. Elles sont au nombre de cinq ou six, toutes femmes comme il faut, mais bien payées pour cela; et cette dépense coûte peut-être au financier 200,000 livres