Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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M. d’Argenson le premier échelon de sa fortune, c'était un débauché vulgaire dont les fantaisies ne sont que répugnantes !. I] se livrait, dans sa maison de Puteaux, à des orgies crapuleuses auxquelles certaines courtisanes, comme les sœurs Fauconnier, dont l’une fut la maîtresse du duc de Grammont, ne se sentaient pas le courage d’assister jusqu’au bout. Mais Bouret avait plus d’originalité ?., C'était pour la munificence un émule de Fouquet, bien qu'il fût d'origine absolument modeste, puisqu'il était fils d’un laquais de M. de Fériol, cet ambassadeur de France en Turquie qui avait

1. Dangé mourut en mars 1777, à soixante-deux ans. « La veille de sa mort, il recevoit encore du monde : il étoit sur sa chaise longue, jouant à la bouillote et parlant filles. Il disoit qu’il vouloit s’en aller gaiement.» Mémoires secrets, à mars 1777. Il laissa huit millions à son neveu Dangé d’Orcay, et cinq millions de legs particuliers.

2. La manière dont il capta la bienveillance de M. de Machault, le contrôleur général, est assez piquante. M. de Machault avait perdu une levrette qu’il aimait beaucoup. Bouret s’en procura une exactement semblable, et la dressa à saluer et à caresser un mannequin revêtu d’une simarre, ornement que portait toujours le contrôleur général, comme garde des sceaux. Puis Bouret mena la levrette chez M. de Machault: dès que l’animal voit le ministre, il saute à son cou et lui fait mille caresses. Le haut fonctionnaire croit reconnaître sa levrette perdue et exprime à Bouret sa vive satisfaction. V, l’Espion anglais, t. L, p. 325.