Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE PEINTRE DE MŒURS. 119

Il aime, lui aussi, le document humain. Il ne traduit pas les mœurs de son temps dans le style pompeux des Belles infidèles. Sa manière est nerveuse et cynique; les mots piquants, les personnalités abondent. C’estsurtoutquand il parle des choses du théâtre que le pamphlétaire anonyme déploie ses qualités les plus incontestables : la verve et l'esprit. Aussi bien, il est là sur son terrain de prédilection, au milieu des roués et des femmes galantes, sur la lisière du grand monde et des bas-fonds interlopes de la société. Il savoure la jouissance intime de voir tous ces beaux seigneurs dupés par des cabotins et des actrices-courtisanes. Le Gazetier cuirassé prend une à une les princesses de la rampe, et, comme un montreur de lanterne magique, les donne tour à tour en spectacle, détaillant leurs traits, racontant leurs exploits et, entre temps, criblant de sarcasmes leurs illustres adorateurs.

Entrons, à la suite de Morande, dans ces coulisses qu’il connaît si bien, et commençons ce voyage au pays du Tendre en frappant à la porte de l'Opéra.