Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

L'OPÉRA. r35

peu de la réalité de la légende qui veut que la Guimard ait un jour distribué aux pauvres une somme de 6,000 francs que le prince de Soubise lui avait envoyée pour ses étrennes (Grimm, t. V, p. 382). Aussi bien, ces vertus évangéliques ne cadraient pas absolument avec la vie de la danseuse : lorsqu'éclatèrent ses violents démélés avec M'° Dervieux!, l'une de ses camarades de l'Opéra, le poète anonyme qui prit la défense de la danseuse rivale, ne manqua pas de tourner en crime la libéralité de la Guimard :

Actrice au pays des pantins, Dévote et courant l’aventure; Buvant du vin outre mesure, Devant à Dieu comme à ses saints.

Le Vol plus haut remarque d'ailleurs équitablement qu'il est difficile de concilier le succès et la réputation de la Guimard avec laffreux

1. C’est la même Dervieux qu’épousa l’architecte Bellanger, l’amant de Sophie Arnould. Dervieux avait excité la verve de Dorat qui, nous dit Grimm (t. VIT, p. 67), est en possession d'adresser ses hommages à toutes les beautés célèbres, sans les connaître. La jeune danseuse s'était acheté en 1770, pour la somme de 60,000 livres, une maison située rue Sainte-Anne, Elle avait débuté, en décembre 1767, dans le Devin de village avec grand succès, bien qu'elle n’eût pas même quatorze ans,