Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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à liquider sa pension de retraite; et cependant l'Espion anglais dit encore, en parlant d’elle dans le courant de l’année 1785 : « M'e Levasseur est celle qui brille davantage aujourd’hui. » En dehors du théâtre, Rosalie était devenue presque une puissance, par la passion violente qu’elle avait inspirée au comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur de l'Empire près la cour de France. L'actrice demeurait dans une maison contiguë à l'hôtel du diplomate, et pouvait pénétrer chez lui sans être apercue, au moyen d’une porte de communication. Pendant ces entrevues, l'ambassadeur était inaccessible et s’occupait, disaient ses gens, d’affaires d’État de la plus haute gravité !. La Chronique scandaleuse cite de l'ambassadeur un mot bien tendre : « Un beau soir d'été, les planètes brillaient au ciel, et surtout celle de Vénus éclipsoit

1. Est-ce à Rosalie Levasseur que se rapporte l'anecdote suivante, insérée dans la Chronique scandaleuse? « Il s’est passé au bal de l'Opéra une scène du genre de celles dont la halle est souvent le théâtre, mais dont les suites ont été plus plaisantes. Deux courtisanes, Rosalie et Sainte-Marie, se sont prises de propos : les injures, les invectives ou les vérités dures, ce qui est à peu près synonyme entre ces demoiselles, ont été prodiguées. Le lendemain, un jeune homme se présente chez Sainte-Marie, qui était encore couchée : la femme de chambre refuse la porte; il insiste, enfin il pénètre dans la chambre où la belle reposait dans les bras de