Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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sottes pour donner dans ses airs avantageux, il les a mangées sans scrupule, les dominant jusqu’au point de les maltraiter, entre autres la petite Desmares qu’il a réduite à s’en aller à Bordeaux pour éviter ses fureurs. Depuis son départ, il a tenté beaucoup d’autres aventures, notamment avec la Beauchamp, tenant lieu de prostitution, rue des Deux-Portes, à laquelle il a fini par voler une montre dans un voyage à Fontainebleau, dont elle a fait sa déclaration, et pour la suite de laquelle les officiers de sûreté ont arrèté Morande. J'ignore les moyens dont il s’est servi pour s’en tirer. Je l’ai vu aussi chercher à se lier avec plusieurs jeunes étrangers qu’il rongeait impitoyablement, sous prétexte de leur faire connaître Paris et de les faufiler chez nos petites maîtresses, dont il se disait le bien traité et protecteur. Depuis un an, il a fait l'impossible pour s’insinuer chez la demoiselle Souville, entretenue richement par M. de Bourgogne, et chez la demoiselle Lacour, trop connue par les malheurs de M. le prince de Lamballe 1. Il s’y était pris chez l’une et chez l’autre par violence, menaçant, lorsqu'elles lui

1. En janvier 1768, le duc de Penthièvre ne savait plus où était son fils, le prince de Lamballe. On finit par retrouver le prince dans un hôtel garni où il se faisait soigner d’une maladie honteuse. C'était un cadeau de la demoiselle Lacour, surnommée palais d'or, parce qu’elle avait en effet perdu le palais à la suite de la maladie dont le pauvre prince avait hérité, et qu’il avait fallu lui faire un palais artificiel en or. V. les Mém. secrets du 7 avril 1768.