Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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capables de mettre la main sur un homme aussi redoutable et aussi habile que l'était Morande. Une brigade de policiers partit donc pour Londres, vers la fin de 1773, sous la conduite d'officiers de la connétablie; mais le pamphlétaire avait été immédiatement prévenu par des correspondants, dont plusieurs tenaient à la cour, et par M de Godeville, une Française tarée qui s'était réfugiée en Angleterre et à laquelle les gens de M. de Sartine s'étaient imprudemment confiés ‘. Morande était sur ses gardes et laissa les agents de police arriver jusqu’à lui. Affectant une confiance entière dans ses nouveaux amis, il débuta par emprunter à chacun d'eux une trentaine de louis, puis, levant le masque, il fit retentir toutes les gazettes de Londres de dénonciationsardentes contre le gouvernement français, qui méditait de porter atteinte à l'hospitalité britannique et ne craignait pas d'envoyer ses valets et ses espions sur la terre de la liberté! Morande

1. En octobre 1774, Mme de Godeville publia ses mémoires, sous ce titre piquant : «Voyage d’une Française à Londres, ou la Calomnie détruite par la vérité des faits. » Ce fut une déception. On croyait trouver dans ce livre des révélations sur les libellistes que Mne de Godeville avait connus; « mais rien, rien du tout, c’est une véritable attrape », disent les Mém. secrets sous la date du 1° oct. 1774.