Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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homme « supérieur dans la négociation » pour remplacer les invalides et les policiers et avoir raison du terrible biographe de M"° Du Barry. Beaumarchais accepta la mission délicate qui lui était proposée et se rendit à Londres en mars 1774, sous le nom de Ronac, anagramme de Caron. Morande ne demandait qu’à se laisser corrompre. Dans les lettres qu'il avait adressées au duc d’Aiguillon et à M. de Sartine,

après avoir dit à la comtesse qu’il avait pris la liberté

de rendre les deux baisers à son portrait, concluait avec une exquise galanterie :

Vous ne pouvez empêcher cet hommage, Foible tribut de quiconque a des yeux : C'est aux mortels d'adorer votre image; L'original étoit fait pour les dieux!

Après la mort de Louis XV, La Borde fut naturellement disgracié, sous l’influence desennemis de Mme Du Barry. Il transmit sa charge de premier valet de chambre du roi à Richard de Livry, fermier général, qui lui céda de son côté moitié de sa charge. Le nouveau financier, qui avait beaucoup voyagé, fit graver, en 1777, les nombreux croquis qu’il avait rapportés de Suisse et d'Italie. Le roi de Prusse lui acheta, ditOn, les dessins originaux pour 1,500,000 livres, ce qui était un joli denier. On voit que La Borde avait plusieurs cordes à son arc, et qu’il cultivait un peu tous les arts d'agrément, depuis la danse, ou plutôtles danseuses, jusqu’à la musique et au dessin. Nous avons un peu insisté sur cet aimable personnage parce qu’il représente l’un des types les plus accomplis de l'homme du monde au xvrne siècle.