Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE LIBELLISTE. 49

de France et arrivait-il à Versailles pour recevoir la récompense de ses succès diplomatiques

Broglie, l’ancien directeur de la diplomatie secrète de Louis XV. Cest alors que le comte de Vergennes envoya Beaumarchais en Angleterre. On sait que, moyennant la promesse d’une pension de 12,000 livres, Beaumarchais obtint la remise du coffre de fer qui renfermait les papiers déposés chez lord Ferrers. Mais le négociateur, d’accord avec Morande, ayant spéculé dans les paris énormes auxquels se livraient les Anglais sur le sexe du chevalier d’Éon, ce dernier rompit brusquement avec Beaumarchais et adressa, le 27 mai 1776, une longue et curieuse lettre à M. de Vergennes dans laquelle Morande est traité avec la dernière violence :

« La véritable raison secrète de la mauvaise humeur de M. de Beaumarchais envers moi dans cette affaire provient du refus constant que je lui ai fait, ainsi ‘qu'à son intime ami M. de Morande, de les laisser avec leurs associés gagner tout l'argent des polices scandaleuses qui se sont élevées sur mon sexe, sans qu'ils aient pu même m’ébranler par leur promesse de mettre dans ma poche sept ou huit mille louis, si je voulais avoir pour eux cette infàme complaisance. Il semble qu’il soit venu à Londres plutôt pour ses plaisirs que pour ses affaires, plutôt pour négocier avec Morande qu'avec moi. Lorsque vous avez eu la bonté, Monseigneur, d'envoyer ici M. de Beaumarchaïs, je croyais n’avoir à traiter qu'avec lui seul. Quel a été mon étonnement, lorsque je me suis vu avoir plus à négocier avec son favori Morande, auteur du Gazetier cuirassé, c'est-à-dire avec un homme qui n’a ni mœurs ni fortune, ni réputation à perdre, et qui est l’âme de tous les plaisirset de tous les conseils du sieur Caron !.. Ce n’est qu'avec répugnance que je prononce le nom

5