Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

78 THEVENEAU DE MORANDE.

de filet, gagné plus d'argent que Rousseau avec tous ses ouvrages, le ministre n'hésita pas à suivre l'avis de son nouvel agent. L’envoyé français à Londres appuyait d’ailleurs de son autorité officielle le système du laisser-faire. Mais, si l'on renonca à réclamer du gouvernement britannique une intervention qu'il se serait fait un cruel plaisir de refuser, la police française ne resta pas inactive.

Le successeur de M. de Sartine, le lieutenantgénéral depolice Lenoir, avant de s’adresser à Morande, avait d’abord eu la main très malheureuse. De concert avec le marquis de Castries, ministre de la marine, il avait envoyé à Londres un nommé d’Anouilh. Cet aventurier, qui se faisait fort de corrompre le ministre anglais Sheridan, avait reçu de M. de Castries une somme de 5,000 louis, partie en argent, partie en billets de banque, partie en billets de la Caisse d’escompte. D’Anouilh, déguisé en marchand de parapluies, ne s’occupa nullement de remplir la mission qu'il avait acceptée; et, après avoir gaspillé en un mois avec des filles 12,000 francs, prélevés sur les fonds de la marine, revint en France. Il raconta à M. de Castries que Sheridan l'avait pris de très haut, trouvant insuffisante la somme qu'on lui offrait pour trahir l'Angleterre, et finalement