Trois amies de Chateaubriand

126 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

Les reines du bal, ce sont Mme Regnault de SaintJean-d’Angely et Juliette.

Juliette dit qu’elle ne dansera pas... On insiste... Elle refuse : ne voit-on pas sa robe à longue traîne? comment ainsi danserait-elle?…

Et alors, dans un groupe, on raconte ceci. Tout récemment, au bal de la légation de... Reichardt ne se rappelle plus la légation; mais qu'importe?.… Juliette arriva en robe à traîne, déclara qu’elle ne danserait pas; on la supplia : en un tournemain, elle se débarrassa de sa lourde toilette de soie et apparut en fin costume de crêpe, prête à être légère et à bondir joliment.

Juliette, chez elle, ne recommence pas cette métamorphose : elle accomplit à merveille le chefd'œuvre de danser en longue robe.

Elle est délicieuse. La mode n’est plus de se farder, Aussi les autres femmes semblent-elles trop pâles. Mais elle, non : « son teint transparent laisse voir le sang qui cireule sous l’épiderme ». Sa robe est blanche, satin et mousseline, très échancrée dans le dos, de sorte qu’on voie « sa nuque d’Aphrodite et ses charmantes épaules ». Elle garde volontiers une immobilité de statue, ses limpides yeux levés, ses lèvres entr'ouvertes sur les dents si jolies, sa physionomie candide; elle ne bouge pas, afin qu’on puisse admirer longtemps dans la pose qu’elle a choisie avec étude. Ses cheveux, dont les boucles sont disposées savamment, se relèvent assez haut, tenus par un large ruban de velours noir qui, d’un côté du