Trois amies de Chateaubriand
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120 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND
plus fortes banques sautèrent. Un banquier se brûe laït la cervelle. Un autre, qui n’avait pas pris cette rude précaution, fut arrêté. Les deux autres s’ar-
. rangèrent, tant bien que mal, avec leurs créanciers
en leur versant de très modestes dividendes. La
_ plupart de ces banquiers avaient amassé leurs su-
perbes fortunes comme fournisseurs des armées. Les femmes faisaient assaut de dépense; et, par exemple, Juliette était, là-dessus, en rivalité de
folie avec une dame de Neuilly, dont la demeure
splendide et les magnifiques jardins l’offusquaient. Cette dame, on l’appelait obligeamment la dixième Muset, Juliette n’aimait pas cela; et, puisque la dame de Neuilly s’enorgueillissait de l'amitié de Joséphine, Juliette fut accueillante pour ce rival de Bonaparte, le général Moreau.
Un soir de ce mois de janvier, comme Juliette recevait encore, Reichardt le rencontra chez elle, Moreau était fort entouré, Un groupe d'officiers autrichiens, qui avaient combattu contre lui, au cours de la dernière guerre, l'interrogeaient; et il répondait complaisamment, en homme qui est très sûr de son fait, Il avait du calme, de l’orgueil, de la précaution; et on l’admirait. Cependant, à côté, dans un salon voisin, Mme Moreau exécutait, accompagnée au son des tambourins, une gavotte, avec une perfection très applaudie. Dès cette époque, le subtil Reichardt devine le danger : il
1. Un hiver à Paris, p. 268 (Lettre XX, 15 janvier 1803),