Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 431

souhaite que des amis imprudents w’aïllent point, avec une étourderie périlleuse, comparer ce grand homme très intelligent au redoutable maître.

Les ennuis commencèrent au mois de février. Juliette crut indispensable d'interrompre ses bals du lundi. Peut-être, aussi bien, est-ce Récamier qui l’en persuada. Du reste, il ÿ avait, à Paris, la grippe; cette épidémie fâcheuse faisait, dans la société, des ravages. Et puis, avec une jeune imprévoyance, Juliette s'était laissé envahir : les salons de la Chaussée-d’Antin ne suffisaient plus à contenir tous les Anglais qui affluaient chez elle. Surtout, elle sut, à n’en point douter, que ses « assemblées », où Moreau triomphait trop évidemment, déplaisaient en haut lieu. Sans doute, des rivales — et, notamment, telles amies de Joséphine — s’occupèrent-elles de lui communiquer cette information, Juliette annonça qu'à peine donnerait-elle, vers la fin de l'hiver, un ou deux bals où l’on ne serait prié qu'avec le souci de ne pas offenser le Premier Consul?. Cette précaution tardive n’empêcha rien. Aussi, l'on ne s'était point assez méfié de toutes jalousies. Moreau, chez Juliette, s’abandonnaït trop effrontément au panégyrique des étrangers. Ce fut raconté, commenté, mis en phrases inquiétantes. Un général autrichien avait qualifié Moreau de « premier géné-

4. Un hiver à Paris, p. 259 (Lettre XIX, 11 janvier 1803). 2. Un hiver à Paris, p. 320 (Lettre XX V, 4 février 1803).