Trois amies de Chateaubriand
MADAME RÉCAMIER 181
Cependant, et malgré ces protestations, à laffois hypocrites et charitables, le 2 novembre, — qui est précisément le jour que Chateaubriand partit pour Dieppe où il devait rejoindre sa nouvelle bien-aimée, — Mme Récamier partit pour l'Italie. Elle avait auprès d’elle, dans sa calèche, sa nièce. Ballanche et Ampère suvaient, en chaise de poste, ah! bien contents, débarrassés de leur rival. Et ils se figuraient, probablement, qu’ils triomphaient de lui. Mais non, pas du tout! Juliette emmenait avec elle, sans le vouloir, le sentiment profond dont elle souffrait.
Plus tard, quand elle rédigea ses Souvenirs, Mme Lenormant dut expliquer le départ de Mme Récamier pour l'Italie. Il le fallait expliquer d’une manière très honorable, voire pimpante… Eh! bien, voici. M. de Chateaubriand ne pouvait plus venir tous les jours voir Mme Récamier : il en était empêché par les réunions du conseil, par les séances des Chambres. Et puis, « l'humeur de léminent écrivain n'avait pas résisté à la sorte d’enivrement que le succès, le bruit, le monde amènent facilement pour des imaginations ardentes et mobiles. » Qu'est-ce à dire? Se montrait-il moins empressé?.. Non pas! et, en quelque sorte, au contraire! Non, non, assure Mme Lenormant,«son amitié n’était point attiédie », — mais «(Mme Récamier ny sentait plus cette nuance de respectueuse réserve qui appartient aux durables sentiments que stuls elle voulait inspirer... »
1. Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Réca-
mier, tome Il, p. 32 16