Trois amies de Chateaubriand

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il préféra au succès de la guerre d’Espagne! C’était une âme bien ambitieuse et noble, mais à qui n’eût point réussi mieux qu'à l’autre, peut-être, la rencontre de Cléopâtre.

Même, on a posé la question de savoir si lamoureuse rencontre de Mme de C... ne lui fut pas néfaste. Le 6 juin 1824, Louis XVIII le chassait brusquement du ministère. Pourquoi? L'affaire est assez mystérieuse pour que la malignité de plusieurs personnes ait trouvé là l’occasion de travailler. Voici, en résumé, ce que racontent le baron de Frénillÿ et Marmontt, Mme de C... avait, sur le conseil de Chateaubriand, placé une somme assez considérable dans l'emprunt des Cortès d’Espagne. Or, Ferdinand, revenu au pouvoir, refusa de reconnaître cet emprunt révolutionnaire. C'était la ruine de Mme de C..., et par la double faute de Chateaubriand, s’il lui avait conseillé ce placement et si Ferdinand ne fut rétabli que grâce à l'intervention française, laquelle est due d’abord à Chateaubriand. Qu’aurait-il fait, pour épargner à son amie une perte gênante? Frénilly et Marmont nous le montrent qui abuse étrangement de son autorité, qui charge Talaru, notre ambassadeur en Espagne, de « mettre le pied sur la gorge » au roi Ferdinand et d'obtenir de lui par la force qu’il légitime l'emprunt des Cortès. Talaru se serait acquitté de ce soin avec toute la brutalité requise, à tel point que le roi d’Espagne aurait direc-

4. Souvenirs du baron de Frénilly, p. 495; MARMONT, Mémoires, tome VII, livre 22.