Trois amies de Chateaubriand
MADAYE RÉCAMIER 195
beauté des Statues, consacra les ressources de son esprit fertile à réaliser le tranquille bonheur de l'amitié continuelle;et ce fut son chef-d'œuvre, de le composer avec cette substance infiniment mobile, plus agitée que les flots de la mer, plus inconsistante que l'air, l'âme de René. s
Je crois que la durée avait été, depuis sa jeunesse irrésolue, la recherche et le désir spontané de toute sa pensée; et Je crois qu’elle eut peur de l'amour, à cause de cela. Belle comme on ne l’est pas, elle eut cette ambition paradoxale, de fixer en quelque manière ce remuement qu'était le génie de René, Si elle compta sur amour, à cette fin très difficile, ce ne fut que durant l’espace de quelques semaines. Et puis, elle écarta l'amour; ou bien, magicienne, elle le transforma en un sentiment qu’elle inventa, en une Sorte d’amour pareil à l’incorruptible, froid et fulgurant diamant.
En 1825, Juliette approchait de la cinquantaine et René avait cinquante-sept ans.
Juliette, ayant perdu sa fortune, s'était réfugiée à l'Abbaye-au-Bois depuis cinq ou six ans. Elle vivait là modestement et à peu de frais. Mais je crois que la raison d'économie ne la décida pas seule à souhaiter cet asile : un couvent lui donnait le silence, la paix charmante et enfin la dignité dont elle était curieuse. ti
Elle eut d’abord, au troisième étage, un petit appartement « carrelé, incommode », où l’on accédait par un escalier rude. Deux pièces étaient séparées