Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 197

Elle l'entourait de la société qui pouvait le mieux lui plaire et qui aussi devait être le plus utile à sa renommée, Il fallait le distraire de son violent ennui, adoucir les violences dé sa facile colère, calmer ses rancunes, le consoler, entretenir sa vanité, dorloter son orgueil. À cette tâche compliquée et incessante, elle dépensa délicatement tout ce qu’elle avait de tendresse et d'adresse, avec une grâce divinet,

Il la trompa; mais il l’aima sans discontinuer, avec une gratitude qui avait les exigences et les gentillesses de l'amour.

t

Ils vieillirent ainsi; et leur amitié prit un charme nouveau, la monotonie, qui est un symbole de l’éternité. Je raconterai quelques-unes de leurs ; jones, les plus remarquables sans doute, celles qu’un incident signale. Maïs leurs vraies journées furent le tête-àtête émouvant de leurs souvenirs, leur double silence, interrompu de paroles aimables, enfin l’accord d’un dévouement perpétuel et d’un égoïsme qui tout de même prenait ses précautions, Une solennité gracieuse les entourait.

En 1828, Chateaubriand. partit pour Rome : il était ambassadeur de Charles X. Là-bas, il s’ennuya tant qu'il voulut se divertir : il y réussit ex-

1. Mémoires de la comtesse de Boigne, tome I, p. 239. 17: