Trois amies de Chateaubriand
MADAME RÉCAMIER 199
étais, dit-il, à cause de cela cent fois plus touché... » De retour à l'ambassade, il écrivit à son amie... « Le jour s’affaiblissait; les ‘ombres envahissaient lentement les fresques de la chapelle et lon n’apercevait plus que quelques grands traits du pinceau de Michel-Ange. Les cierges, tour à tour éteints, laissaient échapper de leur lumière étouffée une légère fumée blanche, image assez naturelle de la vie que l'Écriture compare à une petite vapeur. Les cardinaux étaient à genoux, le nouveau pape prosterné au même autel où, quelques jours avant, j'avais vu son prédécesseur; admirable prière de pénitence et de miséricorde, qui avait succédé aux lamentations du prophète, s'élevait par intervalle dans la nuit et le silence... »
Pour écrire ces lignes d’une sonorité si noble, Chateaubriand s'était enfermé, tout en haut du palais de l'ambassade, dans un cabinet petit et reculé. Il fut content de ses phrases et il appela M. de Marcellus pour lui lire la lettre qu’ainsi Juhette ne connaîtrait pas la première. Îl lut : «une petite vapeur». Là, il s’interrompit et il observa : « Il y a aussi quelque chose de pareil dans le livre de la Sagesse. Vous en souvenez-vous? Umbrae enim transitus est tempus nosirum... »
Puis, il continua : «.. dans la nuit et le silence ». Il s’arrêta et dit : « Cette phrase a trop de désinences féminines ; il faut, pour l'harmonie, la finir par un son masculin et lire Le silence et la nuit ».
Quand la lecture fut terminée, M, de Marcellus