Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 207

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Les deux amants, les deux amis qui ont, pour leur usage, inventé l’art de vieillir dignement ensemble, retrouvons-les un peu plus tard, au début du printemps de 18341, Juliette a cinquante-sept ans, René en a soixanle-six, Juliette, à l'Abbaye-au-Bois, s’est installée plus élégamment; du troisième étage où elle avait d’abord sa cellule, elle est descendue au premier étage. On doit monter un grand escalier puis traverser deux pièces très obscures; et l'on arrive au salon.

Il est bientôt deux heures de l’après-midi. Juliette a, ce jour-là, convoqué une douzaine de personnes pour une circonstance pathétique : lecture sera donnée de plusieurs chapitres des Mémoires d’outretombe. C’est l'œuvre à laquelle Chateaubriand travaille depuis une trentaine d’années, P œuvre de son orgueilleuse prédilection, l'œuvre qu'il a consacrée à lui-même ‘et à sa renommée durable. Mémoires d’ « outre-tombe »; mais ce grand voluptueux un peu pervers souhaite un avant-goût de l'immortalité qu’il se promet : avec l’'amusement d’une coquetterie inquiète, il va s’enquérir de lui-même et de sa persistance auprès de la postérité qui commence.

Les invités arrivent, entrent dans le salon. Il y a là un beau silence.

4. Voir, là-dessus, SAINTE-BEUVE, Portraits contemporains, tome I, pp. 8 et suiv.; EpmonD Brré, préface de son édition des

Mémoires d’outre-tombe; et, du même auteur, Les dernières Années de Chateaubriand, p: 206.