Trois amies de Chateaubriand
MADAME RÉCAMIER 215
ardemment rèvé d’étermiser ses minutes : il avait mis tout son génie à les entourer des bandelettes tutélaires qui gardent contre la corruption les insignifiantes momies. Et, quoi? 1] n’a pas pu faire vivre une bruyère, Mais cela eût été l’œuvre d’un dieu. Cette mélancolie est celle d’un dieu orgueilleux et qui a manqué à sa tâche.
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Ïl vieillit, La coutte lui tourmente les mains et les jambes. Il se traîne plutôt qu’il ne marche. À peine, du rez-de-chaussée qu’il habite rue du Bac, va-t-il jusqu'à l’étroit jardin où trois douzaines d'oiseaux sont en cage, « à l’abri des chats et de la politique. Il lui faut des bâtons; il lui faut un domestique qui le soutienne, qui l’aide à monter l'escalier de Juliette. La politique le dégoûte et il ne prévoit que malheur. Un jour, à l'Abbaye-au-Bois, vint le jeune Victor de Laprade. Celui-ci avait encore l’âge où l’on! peut compter sur les progrès d’une société démocratique?, Il énonça son idéal, avec une confiance éloquente, Chateaubriand l’écouta, souriant avec chagrin. Puis il parla. Il prophétisa la chute du trône de Juillet, lavènement de la démocratie; mais cette
1. Lettre de Mme de Chateaubriand à Clausel de Coussergue, citée par M. E. BrRé, Les dernières Années de Chateaubriand, p. 361 (Lettre du 10 février 1844),
2. E. Brré, L. L., p. 383,