Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 91

l'indépendance; et puis, « toute sa vie », ce n’est pas grand’chose, ce n’est pas plus longtemps que ce qu’il a donné aux divers objets de sa ferveur.

Il écrivait encore à son vieil ami et terminait ainsi sa lettre : «Bien à vous, je vous le jure. Mettez, je vous en prie, tous mes remerciements aux pieds de mes jeunes reines et qu’elles reconnaissent les vœux d’un vieux serviteur qui leur a consacré sa vie. » Il est encore galant, courtois avec les dames, cérémonieux et gentil. Même, il a conservé l'habitude gracieuse de dire, et probablement de croire, qu’il consacre sa vie aux toutes dernières femmes qu’il a vues. Seulement, il ne dit plus « sa vie et le monde »; il se contente de sa vie, laquelle n’est plus un cadeau bien durable.

À mesure que les jours passaient, des tristesses nouvelles arrivaient. On dut faire à Mme Récamier une seconde opération de la cataracte. La première, faite à un œil, n'avait pas donné de résultats; on essaya d'opérer l’autre œil, et ce fut à peu près inutile.

L’Abbaye-au-Bois, au mois de février 1848, la voici, d’après les Derniers souvenirs du comte d’'Estourmel! : « On ne pénètre qu'à tâtons dans le orand salon de l'Abbaye-au-Bois; les volets, les rideaux sont fermés et le jour de la porte ne suffirait pas à guider vos pas, si la douce voix de la pauvre aveugle n’aidait à vous diriger vers le grand para-

4. Comte »’EstTourMez, Derniers souvenirs, pp. 17 et suive 49.