Trois amies de Chateaubriand

222 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

vent qui abrite son fauteuil. Vos yeux restent quelque temps voilés comme les. siens; mais vous êtes en pays ami; et vous reconnaissez les voix de M. Ampère, de M. Brifaut. Hélas! on ne peut plus entendre celle de M. Ballanche, et l’on n’entend presque plus jamais celle de M. de Chateaubriand. Ïl reste enveloppé dans son immuable taciturnité. » Quelle poignante impression de fin de vie! Ce silence final est angoissant. Ce silence et cette obscurité donnent le sentiment de la mort qui commence. Et, tous ces personnages illustres, elle et lui plus que les autres, émouvants et un peu théâtraux naguère quand ils étaient les héros de la comédie et du drame le plus en vogue, n’ont-ils pas l’air — on ose à peine le dire — n’ont-ils pas l’air, dans ce silence et cette obscurité, de répéter pour le tombeau?..

Quelquefois, s’il n’y a que très peu de monde, Chateaubriand se met à réciter des vers, jusqu’au moment où la mémoire lui manque. Et alors, Mme Récamier continue.

Dans les derniers mois, il reçut de temps en temps rue du Bac une petite société de quatre ou cinq personnes, toujours les mêmes, Mme Récamier, la comtesse Caffarelli, Ampère, Noaiïlles, Loménie, Il recevait dans sa chambre à coucher, simple comme une cellule, avec son petit lit de fer entouré de rideaux blancs et protégé d’un crucifix. Deux fenêtres donnaient sur un petit jardin plein d'ombre et de silence, voisin de admirable jardin des Missions étrangères. Au mur, il y avait une Sainte Famille de Ra