Trois amies de Chateaubriand
MADAME RÉCAMIER 997
seau, le Rurik, ayant longé de singuliers parages, aborda dans une île dont il n’existait aucune indication sur les cartes, L’équipage prit terre et crut bientôt apercevoir que nul navire d’un pays civilisé n’avait encore jeté l'ancre en ce climat, L'ile était habitée d’une peuplade aux mœurs très douces et qui adorait une idole. Adalbert de Chamisso put voir l'idole, C'était une gravure encadrée, un merveilleux visage qui souriait, Et Adalbert de Chamisso reconnut les traits charmants de Juliette Récamier, tels qu’Isabey les avait peints.
L’on ne sut pas comment cette image était arrivée en cette île perdue. Les indigènes ne le disaient pas, car l’origine des dieux est un mystère que la piété des fidèles ignore volontiers,
Mais le chevalier de Cussy, à qui cette anecdote précieuse fut racontée par Chamisso lui -même et qui la consignée dans ses Souvenirs!, la commente ainsi : « Cette circonstance est un exemple de l'empire que la beauté réelle peut exercer sur l'esprit et le cœur des hommes. »
Il est permis de supposer que lidole jolie sourit encore à ses adorateurs rouges ou noirs, coiffés de plumes probablement et analogues à ces bons sauvages qui furent les compagnons d’Atala et de Celuta, et que la religion de Juliette est, là-bas, constituée pour longtemps, car le culte des dieux lointains dure au delà d’un siècle,
1. Souvenirs du chevalier de Cussy, tome I, p. 245.