Trois amies de Chateaubriand
266 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND
lins, s’était envolé. Il plaisait à Hortense d'inventer que Béranger nestimait personne autant que Sainte-Beuve; et, quand elle écrivait à Béranger, soyons sûrs qu'elle affirmait avec un égal entrain la déférante admiration de Sainte-Beuve. Ainsi, elle n'avait pas le cœur déchiré.
Hortense n’était, pour Béranger, qu'une amie, je crois. Mais quelle amie trop bonne et indiscrète! En 1834, comme Béranger n’était pas riche, elle imagina d'ouvrir pour lui, sans le consulter, une souscription publique. Le chansonnier se fâcha : « En vérité, ma chère Hortense, ce n’eit pas de vous que je me serais attendu à avoir jamais pareil désagrément! » Il ajoutait qu’ « on peut être chansonnier et avoir pourtant une certaine pudeur ». Sans aucun doute! Mais Hortense n’écoutait que son cœur.
Une autre fois, en 1829, c'était Hortense qui avait eu, si étrange que cela paraisse, une « certaine pudeur ». Oui, un vers, dans la fameuse chanson du Grenier, l'avait choquée. Cest à propos de Lisette :
J’ai su depuis qui payait sa toilette!
Avec une sorte de pitoyable candeur, le chansonnier se disculpa, et Lisette, comme il put. Il écrivit à Hortense : « Ah! ma chère amie, que nous entendons l’amour différemment! Vous avez donc une très mauvaise idée de cette pauvre Lisette? Elle était cependant si bonne fille! si folle! si jolie!.… Eh! quoi, parce qu’elle avait une espèce de mari qui