Trois amies de Chateaubriand
HORTENSE ALLAPT 295 #74
En 1843, il advint à Hortense Allart une chose des plus imprévus; et elle avait déjà manifesté, durant les quarante-deux ans de sa vie, une bien remarquable bizarrerie de caractère, mais ce qu’elle fit là ce fut son paradoxal chef-d'œuvre : elle se maria! Aucune femme n’était moins destinée à ce dénouement. Le 4 octobre 1842, elle arrive à Paris. Il faut qu’elle parle à Sainte-Beuve. Tout de suite, elle le convoque, pour quatre heures. Afin qu’il vienne, elle lui écrit de gentilles choses : « Ne soyez pas de ces écoïstes qui refusent aux autres quelques beaux jours. Je vous ai dû quelques-uns des plus doux et des plus charmants jours de ma vie. Que faites-vous? Vous ne savez ce que vous faites. » Voilà pour le sentiment; et puis, un homme de lettres ne se prend pas sans éloges, — alors : « Vous êtes le seul homme de notre temps qui ayez trouvé l'accent de l'âme et qui ayez peint l'amour avec tendresse... » C’est bien joli, ceci, « peindre l'amour avec tendresse... » Mais comme, depuis 1842, le personnage de SainteBeuve s’est modifié! Certes on n’oublie pas les Poésies de Joseph Delorme, ni le roman de Volupité; cependant, Sainte-Beuve ne nous apparaît plus comme, avant tout, l’homme de son temps qui a peint l'amour avec le plus de tendresse. Et Hor- . tense Allart devait sy connaître; si elle l’a dit, c’est qu’elle le savait,