Trois amies de Chateaubriand
320 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND
son gré et auxquelles aucune fortune ne pourrait suffire... »
L'espace immense qui est vacant entre lui-même et ses pensées, — cela est admirable, La finesse de Joubert a quelquefois la qualité de la divination spiri-
tuelle. Il ne fut pas un psychologue qui analyse seulement. Il voyait bien au delà des petites trouvailles que fait un observateur attentif : en guise de méthode, il avait le simple génie de comprendre.
Dans les Mémoires d’outre-tomhe!, tout de suite après avoir raconté la mort de son père, Chateaubriand écrit : « Si j'avais pétri mon limon, peut-être me fussé-je créé femme, en passion d’elles; ou, si je m'étais fait homme, je me serais octroyé d’abord la beauté; ensuite, par précaution contre l’ennui mon ennemi acharné, il m’eût assez convenu d’être un artiste supérieur, mais inconnu, et n’usant de mon talent qu’au bénéfice de ma solitude. »
Cette phrase voluptueuse et qui aboutit au désir de l'art comme au remède le plus efficace qu’il ait trouvé contre l'ennui caractérise la sensibilté de Chateaubriand.
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Et la sensibilité de Chateaubriand prédomine sur toutes les autres facultés de cette âme si abondamment riche.
Chateaubriand n’inventa pas la sensibilité, Le dix-
1. Mémoires d’outre-tombe, tome I, p. 3124