Trois amies de Chateaubriand

TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND 323

Il a inventé le mal du siècle; il a inventé la mélancolie qui fut à la mode il y a quatre-vingts ans, la mélancolié de fiené, la mélancolie de La Confession d'un Enfant du Siècle, la mélancolie d’Olympio, la mélancolie de La Maison du Berger. Indirectement dérivent de son ennui, de sa détresse d’âme, Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, la nostalgie douloureuse qui emplit l'œuvre de nos plus ardents contemporains.

De quoi se plaignent donc ces écrivains glorieux? Que leur manque-t-il? et quel est le motif de leur inconsolable chagrin?.… Leur sensibilité les tourmente. La sensibilité, à l'état libre où l’a laissée Chateaubriand, est un instrument de joie et de supplice, Elle procure des satisfactions singulières; mais il ya en elle une avidité que rien ne contente. Elle est infinie; et les limites de ce qu’on lui donne l’offensent plus que ne lenchante ce qu’on lui donne. Elle est malade de ses désirs démesurés.

Elle arrive à se tuer elle-même, Elle cherche tou_ jours plus d’acuité, plus d’acuité que possible: et, quand elle est au bout de ce qu’elle a souhaité, de ce qu’elle a réalisé, elle s’annihilerait volontiers. «Ah! qu’elle ne soit pas trop chère, la main qui nous tendra le verre d’eau fraîche, à l'heure de Pagoniel!...» Ce cri de Chateaubriand, c’est le cri de sa souffrance dernière; et il repousse la tendresse qu’il a cherchée, parce que cette tendresse, à la fin, le torture, |

Cette sensibilité si aisément malade a deux enne.