Trois amies de Chateaubriand

TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND 337

Et voilà, en résumé. la somme des sentiments qu'utilisera et mettra en œuvre toute la littérature du dix-neuvième siècle : lyrisme romantique, lyrisme appauvri des Parnassiens et le lyrisme d'aujourd'hui, qui donne ses plus beaux effets en retournant à la manière de Chateaubriand.

Dérivent de Chateaubriand, tous les écrivains « subjectifs » du dix-neuvième siècle. Mais, les écrivains « objectifs », non : ceux-ci, créateurs d’une réalité indépendante d'eux, créateurs de personnages qui vivent d’une vie autonome, créateurs d’âmes étrangères à eux-mêmes, — un Balzac, par exemple.

Un Balzac ne doit rien du tout à Chateaubriand.

Il y a plusieurs personnages dans Atala, plusieurs dans René, plusieurs dans L? Abencerage. Qw on tâche de se les représenter, de les détacher du lyrisme général où ils sont, de les tirer de l'harmonie charmante qu’ils font avec un paysage sentimental : on n’y réussit guère. l’on a de pâles fantômes, qui s’évanouissent et se dispersent, comme les ombres de la nuit au petit jour. Ou, plutôt, si : l’on a un personnage, un seul, toujours le même sous diverses apparences, René, toujours René, le seul personnage vivant qu'ait créé René de Chateaubriand : et il Pa créé à son image, à l’image de son rêve,

Ainsi, Balzac et tous les moindres ou petits Balzacs qu’il y eut au dix-neuvième siècle n’ont rien à faire avec Chateaubriand. Leur faculté caractéristique est précisément celle que Chateaubriand n’a

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