Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

AGENCES DE VENISE ET DE PARIS (1792-1796). 105

garda néanmoins ses entrées chez le successeur de Las Casas, Campc:, qui venait volontiers le voir et s’entretenir avec lui

Venise dounait alors asile à de nombreux émigrés ; certains l’appelaient un nouveau Coblence. On y compta un moment jusqu'à huit cents Français, encombrant les salons et la place Saint-Mare, partout fêtés, remplissant les gazettes d'articles contre la Convention, et les boutiques d’estampes représentant les défaites, vraies ou fausses, des républicains. D’Antraigques, malgré son renom littéraire et sa faveur apparenteauprès de Louis XVII, recherchail peu: ses compatriotes et sentait n'avoir pas leur confiance. En effet, sa situation demeurait précaire, et sa mission ressemblait fort à une aventure. 11 abritait derrière les lagunes vénitiennes, sans jamais affronter son ennemi, et ses intrigues et son ménage d'apparence louche comme sa mission. Sa femme, ne portant pas son nom, vivait cependant sous son toit, et Louis XVIII lui avait octroyé le cordon de Saint-Michel. Elle était reçue à la légation espagnole, et fréquentait d'autre part le monde des arts et des théâtres (1).

Les auxiliaires du soi-disant diplomate ne prédisposaient pas non plus en sa faveur. C'était d’abord un abbé famélique nommé Dufour, pauvre hère que d’Antraigues avait recueilli errant et mendiant, un jour d'automne de 1792, à la porte de sa maison de Mendrisio. Ce Dufour, comme {ous les agents subalternes, finit par se croire un personnage et par abuser des secrets qu'on lui avait confiés ou qu'il avait surpris. Entre son maitre et lui il y

(1) Les passages des lettres de Las Casas à d’Antraigues, relatifs au séjour de Mme Saint-Huberty à Venise, ont été publiés par DE Goxcourr, {a Saint-Huberty, p. 253-257.