Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
PREMIÈRES ANNÉES (1753-1778). 15
mal de moi, vous en seriez très en colère, mais si l’on m'accusait de quelque chose relatif à vous, vous le croiriez.. Il suffit que vous ayez promis quelque chose pour ne pas le tenir... De votre vie vous n'avez connu les attentions que pour les femmes dont vous étiez amoureux (1)...
D'Antraigues entra dans le monde durant les dernières années du règne de Louis XV. Les jeunes gentilshommes ses contemporains commencaient à perdre, avec l’occasion de combattre, cet esprit militaire qui avait été la raison d’être de leur caste. On cite ceux qui allèrent bientôt après, en désespoir de cause, se battre au loin pour la gloire de la Russie ou la liberté de l'Amérique. Quelques-uns se mêlaient, avec la prétention de devenir à leur tour auteurs ou inventeurs, aux savants, aux philosophes et aux économistes. Toutefois ceux-là mêmes ne se croyaient point, au début de leur carrière, dispensés de porter l'épée.
Fils de soldat, d'Antraigues entra à quatorze ans aux gardes du corps; à seize, il fut placé comme sous-lieutemant aux carabiniers, sauf à se livrer, quand il en sortit, au seul accès de joie expansive qu'il ait trahi durant sa morose jeunesse (2). Pourtant il servit encore quelques années comme capitaine au Royal-Piémont-cavalerie, et nous le retrouvons successivement en garnison aux deux bouts de la France, à Verdun et à Toulouse. Il se fit mettre, dès qu’il le put décemment, en réforme, sous prétexte
(1) Mme d’Antraigues mère à son fils, # janvier 180%, 25 mai 1803, 10 novembre 1802, 7 mars, 25 mai et 18 octobre 1803, 18 mars. (B. D.) — Est modus in rebus, disait fréquemment et inutilement l’intendant de Saint-Priest à son petit-fils.
(2) Mme d’Antraigues mère à son fils, 23 novembre 1802. (B. D)