Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
VOYAGE EN ORIENT (1778-1779). 29
remerciée par de merveilleux compliments : tels sont les seuls souvenirs galants, celui de la princesse Ghika mis à part, que d'Antraigues ait conservés pour le public de son séjour sur le Bosphore. En revanche, il a parlé avec une liberté complaisante de certaines corruptions propres au monde oriental ; il ne comprend pas que les lois violent la justice, et ne protesle que du bout des lèvres si les mœurs violent la nature. Le réalisme de ses peintures, enveloppé dans les formes d’un jargon sentimental, s'explique chez un lecteur de Diderot, mais serait difficilement accepté du lecteur, même aujourd’hui (1).
Montesquieu, par la bouche des Orientaux qu’il promène à travers la France de son temps, sème sur ses tableaux licencieux ses railleries contre les religions positives, leurs légendes et leurs cérémonies. D'Antraigues a été lui-même, à Constantinople et au Caire, une sorte d'Usbck ou de Rica chrétien : ou plutôt encore il a été cet Anténor, libertin d'esprit et de cœur, que Lantier, vingt ans plus tard, faisait voyager en héros de boudoir à travers la Grèce et l'Asie. Ce dernier nom lui fut donné par ses adversaires politiques en 1789; on peut déjà le Jui attribuer au vu du vaste recueil, philosophique et romanesque, descriptif et déclamatoire, où il a consigné les souvenirs de son voyage en Orient.
(L) Il serait au moins piquant de comparer ces récits, peut-être embellis quant au fond et certainement licencieux quant à la forme, aux pages romanesques, mais vécues, que de notre temps le romancier Pierre Loti a consacrées à « Aziyadé ».