Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
28 CHAPITRE PREMIER.
valu cette réplique : « Quand tu rencontres un Ture qui ne croit pas plus en Mahomet que toi en Jésus-Christ, ne peux-tu causer de toutes ces bagatelles? » Et tous deux, sous prétexte de s’éclairer, font assaut de blasphèmes et de plaisanteries sacrilèges contre le culte de leurs ancêtres.
Par contre, devant une odalisque avec laquelle il s’est mis en frais de galanterie, c'est avec une gravité ironique qu'il se transforme en disciple du Prophète : « En la voyant pleurer, je fus prêt à répandre des pleurs. Je baisai sa main, elle me dit qu'elle m'aimerait longtemps, et me répéta ses regrets de ce que j'étais chrétien. Je lui fis dire qu’elle se consolât, que j'étais chrétien à l'extérieur, mais musulman au fond de mon cœur, que je n'avais pu vivre dans la Turquie sans me convertir, que je n’osais l'avouer, mais que c'était dans le ciel que j'espérais la voir. Elle se livra à toute sa joie, elle me dit qu’elle me promettait de courir dans mes bras au jour du grand jugement. »
Autant d'Antraigues juge condamnables les abus des gouvernements, musulmans ou chrétiens, autant il parait indulgent pour les vices de la société. Il se délecte dans ces histoires de harem si fréquemment racontées et si goûtées au dix-huitième siècle.
Personnellement, il n'accepta qu'à moitié la liberté des mœurs orientales. À l'en croire, il serait demeuré fidèle à sa princesse, et ses bonnes fortunes auraient été toutes platoniques. Un bouquet de roses qu'on lui a jeté en passant et qu’il a tendrement baisé; une entrevue convenue d'avance, mais muette, dans un bazar, avec une sultane qui, plus étonnée que charmée par l'aspect de ce Franc au teint pâle et aux yeux éteints, lui a envoyé le lendemain quelques menus cadeaux et en a été