Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
VIE À PARIS ET EN PROVINCE (1779-1788). 39
la coutume féodale; il avait fait homologuer de nouveau devant le Parlement de Toulouse ses droits honorifques (1). Il se plaisait toujours à recevoir le premier laspersion ou l'encens, à passer le premier à l’offrande ou aux processions ; il veillait à ce que les chiens de ses vassaux fussent enfermés du 1° mai au 1‘ août dans l'intérêt de ses récoltes et de son gibier, et à ce que ses vendanges précédassent toutes autres de trois jours ; mais, à l'exemple du marquis de Mirabeau, l'ami des hommes, ce féodal se comportait dans l’intérieur de son logis en mondain, en lettré, en philanthrope.
Il avait su introduire à la Bastide les agréments des jardins chantés par Delille. IL avait dirigé et discipliné les eaux, planté des bosquets, dessiné des allées sur le flanc escarpé de la montagne, sans oublier un ermitage, en souvenir de Jean-Jacques. Il jouissait d’une galerie de tableaux, d'un cabinet d'histoire naturelle, d’une riche bibliothèque. Les souvenirs de son voyage l’entouraient, depuis Les riches pelisses reçues de la cour ottomane jusqu'aux momies et aux curiosités minéralogiques rapportées d'Égypte. « Ici, écrivait un visiteur, le naturaliste a de quoi faire de belles études, le peintre y trouve les plus curieux points de vue, l'homme sensible et mélancolique peut y faire les rêves les plus extraordinaires, et le poète le plus froid y trouve de quoi monter son imagination. L’Arioste était sans doute dans un lieu pareil lorsqu'il créa les aventures singulières et admirables de son Roland (2). »
(1) Arrêt (imprimé) du 13 mai 1785. (Comm. par M. Mazon.) (2) Fauwsas DE Sanvr-Fonn, Second livre du journal de mes voyages. (Ms. comm. par M. Doize.) Cf. Souravæ, Histoire naturelle de la France méridionale, t. I, p. #69, et un article signé D' Francus (M. Mazon),dans /e Patriotede l'Ardèche,T janvier 1887