Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
40 CHAPITRE PREMIER.
Confiné dans son cabinet la plus grande partie de ses journées, d’Antraigues rédigea en 1780 les derniers chapitres de son voyage en Orient; il revit et corrigea le tout, dans l'automne de 1785, en vue d’une publication possible, mais sans cesse reculée. De nombreux hôtes se succédaient près de lui. Tantôt le châtelain s’entretenait de géologie avec Faujas de Saint-Fond, le savant dauphinois, ou d’histoire avec des religieux du voisinage, dom Lobi et dom des Gouttes, ou d'histoire naturelle avec le fameux abbé Soulavie, alors vicaire à Antraigues; tantôt il remuait de plus vivants problèmes en tête à tête avec le prieur de Nieigles, Malosse, un de ces prêtres philosophes, philanthropes, patriotes comme la Révolution de 1789 en fit tant connaître.
Sans exercer aucune fonction publique, il s'était mêlé spontanément à diverses entreprises utiles à la prospérité du Vivarais. [1 dit quelque part (1) avoir été chargé par Louis XVI de former l’ « Université de Tournon ». Pure gasconnade; car il n’y à jamais eu d'Université à Tournon; mais peut-être avait-il contribué à la transformation du collège de cette ville en école militaire. Ce qui est plus certain, c’est qu’il exploitait avec succès, comme propriétaire, les mines de Nieigles, de Prades et de Jaujac, et qu'il reçut de ce fait, à deux reprises, des États du Vivarais, une gratification de 1,200 livres.
Sa mère vivait relirée non loin de la Bastide, au chàteau de Laulagnet. Tout en se livrant aux pratiques d’une ardente piété, elle s’occupait des affaires de la famille avec une sollicitude que les mauvais procédés ne décourageaient pas. Elle se bornait à accuser tout bas
(1) Dans son Mémoire sur la nécessité d'un enseignement national en Russie.